lundi 28 janvier 2019

Manuèl



Manuèl

Manuèl, le célèbre écrivain inconnu (avec un accent grave et deux talents aiguilles), qui n’était pas le grand Breton que l’on connaît, mais un solide benêt basque, fonda, trois semaines et demi jour pour jour après sa Grande Dépression de d’avril-mai-juin-juillet-août-septembre-1928, le mouvement « i.i.r.r.é.a.l.i.s.t.e. », des innombrables incompris à la recherche des rares éditeurs acceptant de lire et d’interpréter sensiblement leurs textes et leurs écrits. Le Mouvement passa d’abord totalement inaperçu, comme le lui faisait redouter avec juste raison un terrible sentiment prémonitoire. Puis, le temps aidant, il ne prit aucune sorte d’importance, ce qui plongea Manuèl dans la plus profonde et impénétrable indifférence, car il l’avait dissous depuis longtemps déjà, ne vouant plus guère à la littérature et autres incantations scribouillardes à quatre sous et deux balles qu’une très vague et lointaine inclination. Il ne voulait pas finir mal, comme tous ces grands écrivains. C’était bien légitime. Cependant, fort heureusement pour lui du reste, il était assez petit. Du reste, et d’un autre côté, le côté maladroit de préférence, il n’était pas le moins du monde écrivain. Ce qui, du reste, aurait largement dû suffire à le rassurer du reste. Car seulement écrivait-il, comme tout le monde du reste, quelques cartes postales à l’occasion du reste d’un voyage organisé à Lourdes, ou, de temps à autre, une liste du reste de courses à faire à l’épicerie du coin. Pourtant, et en dépit de son indécrottable aversion pour les écrivains, se surprenait-il parfois à écrire du reste des textes d’une beauté fulgurante, inouïe, sublime et foudroyante, des pages et des pages de phrases divines, merveilleuses, et pour tout dire, inégalées du reste. Ce qui contribuait du reste quand même à raviver un peu plus chaque jour son inquiétude relative à ces histoires de grands écrivains qui finissaient mal. Aussi s’attela-t-il dès lors consciencieusement, et ce jusqu’à la fin de son existence, à écrire le moins souvent possible du reste de sa vie, qui, malgré ses efforts du reste sans cesse et sans cesse renouvelés pour ne pas sombrer dans l’écriture, finit quand même, et c’est tant pis pour lui, ou tant mieux, après rien du reste, dans le plus grand dénuement.

samedi 26 janvier 2019

ÉTAT D'URGENCE




ÉTAT D'URGENCE 
(ou la crise de 40 ans)

 "Je crois que ce qui a été grave pour l'espèce humaine, c'est que, les animaux font partie d'un paysage, comme aurait dit Jacques Monod, ils ont des "pressions de nécessité". Ils y obéissent. S'ils n'y obéissent pas, ils disparaissent, en tant qu’individus, et en tant qu'espèce. L'homme s'est retrouvé exactement dans la même situation, seulement il s'est cru en dehors du paysage, lui. Et alors il était très embêté, parce qu'il était très angoissé, il était inhibé dans son action, et ne sachant pas ce qu'il fallait faire et ce qui allait lui tomber sur la figure, il a découvert les lois de la physique d'abord. Il s'est cru libre du fait qu'il avait son langage qui lui permettait de manipuler le monde avec des mots... Et il a inventé des règles. Des règles qui étaient les religions, les morales, les lois, les Etats, etc. Ces règles, elles sont strictement abstraites. Et elles défendent et elles protègent quoi ? Non pas la structure de l'individu, mais la structure du Groupe. Or comme ce Groupe se trouve dans un espace, et qu'à côté de lui, il y a d'autres Groupes, qui veulent aussi bénéficier des mêmes avantages, il y a compétition entre les Groupes, et finalement c'est l'Espèce entière qui est en train d'en crever, c'est tout" 

Professeur Henri Laborit.
Radioscopie J. Chancel, France Inter.
5 février 1980




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La condition humaine

La condition humaine (texte de 1995 (ou 1997 (?) (ou 1999 (?))))



L'existence de l'homme tire toute sa moelle du fait qu'il sait qu'il va mourir. Contrairement à celle du bœuf, qui laisse traîner bêtement la sienne dans le pot-au-feu. Le paradoxe de la mort, c'est que l'on est tous à la fois terriblement seul et terriblement nombreux devant. Et personne n'en est jamais revenu pour dire comment c'était, excepté ce vieil illuminé (de 33 ans quand même) de J.C., un ami (à moi). La mort est certainement adorable en vérité, et sans nul doute très bonne une fois qu'on y est.

Pour peu que l'on ose se laisser emporter. C'est un phénomène parmi d'autres, comme les marées. Ce n'est pas la mer à boire. N'en faites pas une montagne. L'art de vivre consiste aussi à ne pas trop y penser. Il faut faire avec, sans se poser trop de questions. N'anticipons pas. Il y en aura pour tout le monde. Chaque chaise a son temps. La mort viendra bien assez tôt ou tard. Mais cassons là. Ne parlons plus de la mort : c'est un sujet parfois mortel et souvent aussi fort angoissant (si cela se trouve, en plus, la mort nous fait peur rien que pour nous faire chialer, alors...). Parlons plutôt de l'existence.

Pourquoi vouloir toujours la chiader en deux : la belle vie, la triste mort. L'existence humaine n'est ni belle ni terrible : elle est celle qu'elle est telle qu'elle est. C'est Dieu (entre parenthèses, bientôt neuf milliards de Dieux ! (ça fait beaucoup là...)). Donc, pour reprendre le fil de mon disque court, ce n'est que la représentation que nous en avons qui est belle ou terrible. De quoi aurait-elle l'air la vie, si la mort n'était pas là, au bout, comme l'ongle cassé d'un vieux pied, qui la recueille en plaie, comme un fruit trop mûr tombé de l'humain paumier (daim âgé de cinq ans, dont les andouilles forment des paumures) ? A quoi rimerait la mort sans la vie devant elle ? La vie et la mort ne s'éclairent-elles pas l'une l'autre ? Ne pourrissent-elles pas autant l'une que l'autre notre existence ? La mort , la vie, l'existence, que choisir ? La mort et sa longue coiffe de solitude ? La vie et sa longue coiffe de souffrance ? L'existence et sa longue coiffe d'angoisse ? Aucune, naturellement, elles sont bien plus belles sans leur coiffe ! Néanmoins, s'il fallait donner une réponse à cette question pas possible, je pencherais volontiers pour la troisième solution. En effet, seule l'angoisse existentielle permet de lever le voile sur les questions de vie et de mort, en les mettant en exergue l'une à côté de l'autre, comme dans un soufflé au fromage que la ménagère fait cuire au four, et qui gonfle, gonfle, jusqu'au moment où elle le sort du four en criant : les enfants ! c'est prêt ! A table ! Cela démontre, s'il était encore besoin de le démontrer, que les angoissés (existentiels) ont bien leur place parmi les gens normaux, au moins autant que les soufflés au fromage. Pour étouffer ce propos qui devient irrespirable (je devrais le sortir du four maintenant), je prendrai encore l'exemple de l'animal, qui n'existe au sens humain du terme, que parce que nous sommes là pour l'observer, et, le cas échéant, pour le consommer. Comme nous l'avons déjà dit, l'animal comestible ne sait pas qu'il va mourir. Dans nos palais. C'est un fait accepté par tous (même par les Princes végétariens pétroliers du Moyen Orient). Pour illustrer cette affirmation, comparons l'existence animale à l'existence à Nicole. L'animal naît, vit, puis meurt sans exister vraiment au sens où nous l'entendons, nous les Hommes, puisque nous les Hommes, nous l'entendons la Mort, alors que lui, non. Lorsqu'il naît, l'animal ouvre les yeux et se couche bêtement sur le sol. Lorsqu'il meurt, il se couche sur le sol et ferme bêtement les yeux. C'est aussi bête que ça. Nicole, elle, naît, vit, puis meurt, mais entre temps, elle s'achète une voiture, car Nicole sait qu'elle doit mourir. Il faut donc en profiter au maximum, s'acheter une super voiture avec fermeture auto-centralisée des portes, moteur diesel à triple injection douze soupapes, et quatre airbags à l'avant. Lorsqu'elle naît, Nicole descend toute droite du singe, comme par un accident fortuit de l'évolution animale. Lorsqu'elle vit, elle prend sa voiture et fonce à toute allure dans la foule, comme parce qu'elle est énervée. Lorsqu'elle meurt, elle descend toute couchée de voiture, comme par un accident vasculaire de la circule a cons.


jeudi 3 janvier 2019

Les Angoissés


Les angoissés



Est-ce la peur de vivre et de mourir qui pousse certains hommes à cheminer vers la Philosophie et les grands espaces spirituels où l'on peut chevaucher le Mystère à souhait sans craindre rien ni personne d'autre que soi-même ?

       Est-ce l'angoisse existentielle ? Qui aiguise mon âme comme la meule moule la lame mais qui seule me meut ?

      Que serais-je sans toi, angoisse existentielle qui vint à ma rencontre, que serais-je sans toi qu'un imbécile heureux ?

       Heureusement, tu es là, pour faire de moi un esprit chagriné. Qui ne croit plus en rien (poil au rein ?). Ne s'attachant à aucune valeur, comme un pauvre diable qui croyait croire à toutes ces choses, et qui s'aperçoit, sauvé par le gong de la lucidité, qu'il n'y croit pas réellement. Ces choses, voiture-téléphone-portable-lave-vaisselle-lave-linge-barbecue-canapé-en-cuir-cuisine-amovible-portail-automatique-de-caractère-chose-pliante-store-enrouleur… sont en réalité des leurres, au même titre que la morale, la religion ou la politique.

       Ou plutôt non, ce ne sont pas des leurres, toutes ces choses sont véritablement adorables. Le leurre, c'est la publicité beurrée tout autour, qui donne la nausée à celui ne pouvant pas la regarder parce qu'il est empêtré dans son angoisse existentielle, parfois jusqu'au coup de garce, sans pouvoir s'en sortir, se posant contre son gré des tas de questions sur le sens de la vie et l'utilité réelle de toutes ces choses sans doute finalement inutiles qu'il voit à la télévision, entre deux coupures, et qu'il adorerait en fin de compte posséder, mais ne le peut pas, car il est tout simplement improductif, obsolète, ou qui plus est, chômeur. 

Ne pouvant plus agir efficacement sur les choses et les êtres qui l'entourent afin de satisfaire les lois de la nature qui le pousse implacablement au maintien de son homéostasie naturelle, il n'a que cette angoisse existentielle pour le rattacher à la vie, lui donner une identité parmi les hommes.

Le malheureux a trop de cartes dans son je, trop de sens, de facettes. Il est trop humain, trop peut-être-il-faut-voir-je-pense-que-je-vais-y-réfléchir-si-vous-m'en-donnez-le-temps.

Pas assez oui-tout-de-suite. Trop étranger déjà à l'Homo-Automaticus, annonçant depuis quelques décennies avec une arrogance toute technocratique l'avènement hypothétique d'un Age Numérique composé exclusivement de 0 sans visage et de 1 sans profil, qui espérons-le, sera étouffé dans le neuf avant l'an d'Emile XXIII…