Le plaisir (texte de 1996, ou
1998 (?))
La chair est gaie, youpi, et j'ai pas lu tous les
livres. Dieu m'en préserve, hâtif. Par conséquent, je ne ferai pas de
Littérature et irai droit aux putes. Et pas par quatre chemins. J'emprunterai
la ligne 4, direction porte de Clignancourt, et je descendrai à Barbès. C'est
plus direct.
Mais trêve de plaisante vie : évoquons dés à
présent le plaisir avec des mots et des phrases.
Le plaisir est un phénomène ma foi fort agréable,
résultant de l'assouvissement de l'un des trois pêchers capitaux : boire,
manger, ou, par dessus tout, copuler. Trois comportements nécessaires au
maintien de la vie (boire et manger), ainsi qu'à sa pérennité (copuler).
Notons en premier lieu que le plaisir n'est rien
d'autre qu'une sensation inventée par la nature, une prestidigitation, un truc
de magicien quoi, non pour nous faire plaisir, comme tout porte à le croire,
mais uniquement pour assouvir son irrépressible besoin d'hégémonie universelle
venu d'on ne sait où.
Dans ce cours exposé, nous traiterons uniquement
du plaisir sexuel, parce que les autres n'intéressent personne. Présentons sans
plus attendre les principaux personnages. Le sexe de l'homme d'abord, pour
faire bonheur aux dames. Le sexe de l'homme, pour ne pas le nommer, est un truc
en peau de bébé entourant un corps caverneux extensible, qui peut aussi bien
avoir la trique, comme on dit très vulgairement dans les milieux populaires,
qu'avoir le trac, comme on dit beaucoup moins vulgairement dans les milieux
artistiques. Quand le truc de l'homme a le trac, alors la femme des milieux
populaires s'écrie : " beurk, ce Turc est incapable de bander ! ". Ce
qui n'est pas très plaisant pour l'homme développé couché.
Le sexe de la femme, pour faire horreur aux
enfants, est un truc poilu comme une huître, qui peut aussi avoir la trique, comme
on dit toujours très vulgairement dans les milieux populaires. Seulement cela
ne se voit qu'à la loupe. Et on n'a pas toujours une loupe sur soi. D'où la
supériorité stratégique évidente de la femelle homo-sapiens sur le mâle homo-sapiens non philatéliste. Quand le truc de la femme a le
trac, alors l'homme des milieux populaires s'écrie : " beurk, cette poule
n'est pas mouillée ! ". Ce qui est très déplaisant aussi pour la
femme développée couchée.
Comme on peut le constater à ce stade très
homo-erectus des échanges sexués hommes femmes, le plaisir n'est pas acquis
d'avance, par conséquent la pérennité de l'existence humaine non plus. La
nature, toujours encline à déployer des trésors d'intelligence quand sa survie
est en cause, eut alors l'idée d'un truc littéralement inébranlable : la
Culture. Et son pendant sexuel, l'Amour (remarquons au passage qu'il y a cul
dans Culture, alors qu'il n'y est pas dans Amour).
L'Amour introduit donc, en biaisant avec la
Culture, du jeu dans les rapports entre hommes et femmes : colin-maillard par
exemple.
Un homme a le visage bandé par des femmes, et pas
que le visage, diront certaines bonnes langues. Puis l'homme poursuit les
femmes à tétons, ce qui certes, est un pléonasme, mais n'en reste pas moins une
redoutable réalité pour l'homme. Les femmes poussent alors de petits cris très
évocateurs, sous l'emprise du jeu, renseignant immédiatement l'homme sur la
celle qui lui fera le plus plaisir. Les pouliches, quand à elles, selon
l'attirance qu'elles éprouvent envers l'âne bandé, car c'est un imbécile, se rapprochent
très près, ou au contraire s'éloignent très loin du précieux ridicule, qui
tâtonne, les cinq membres tendus, prêchant poétiquement dans le désert de son
désir désuet des odes à l'amour du temps jadis, sans s'apercevoir qu'elles sont
parties en douce à la buvette depuis plus d'un quart d'heure. Si l'amour est
enfant de bohème, il est aussi fils de péripatéticienne.
Oui, mais l'orgasme dans tout ça, vous
demandez-vous à juste titre, mesdames et messieurs les lecteurs obsédés,
l'Orgasme ? J'y viens. Là. Oui. Non, pas encore. Maintenant ! Oui !! Là !!!
Maintenant !!!
L'Orgasme est d'abord aveuglant comme un puissant
halogène de marque Luminaire, puis pénétrant comme une ouverture en la bémol
majeur d'un Grand Musicien, enfin, après quelques agitations voluptueuses et
moult allers et venus vertigineux du corps caverneux dans l'huître poilue, il
se met à résonner dans tous les sens, embrassant les bouches, brassant les
salives, embrasant les cœurs, baisant les corps, tourneboulant les esprits, chavirant
les consciences, emmêlant les cheveux, tournant sur lui-même, se pliant en
deux, en quatre, en seize, se multipliant sans arrêt par deux, parfois jusqu'à
mille vingt quatre, voire deux mille quarante-huit !
Pour finir, il se libère progressivement en plein
ventre (et même un peu à côté), irradiant la périphérie de l'intestin grêle d'un
bien-être d'une amplitude inouïe sur l'échelle des tremblements abdominaux
extatiques.
Après, les mots ne suffisent plus.
Quant aux phrases, n'en parlons pas.
Il est préférable de s'arrêter las.
Où ? Là ? Là ?!
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